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le saphir gemmologie

Le saphir : fiche technique, géologie et considérations gemmologiques

Voici la carte d’identité du saphir, en partie selon le GIA, Gemological Institute of America, et selon les standards gemmologiques courants. Elle témoigne des principales caractéristiques de la gemme :

Le saphir : Fiche Technique

  • Espèce minérale : corindon
  • Système cristallin : rhomboédrique / Trigonal
  • Composition chimique : oxyde d’aluminium (Al2O3) 
  • Densité : 3,95 à 4,05
  • Fluorescence : réagit avec une proportion suffisante de Chrome, est inerte ou faible avec beaucoup de Fer
  • Couleur : toutes les couleurs à l’exception du rouge (on parle alors de rubis). Le terme « saphir » désigne toujours la couleur bleue / pour les autres couleurs, on ajoute la couleur après le mot saphir, saphir jaune, saphir vert, saphir rose, etc.
  • Indice de réfraction : 1.762 – 1.782 
  • Biréfringence : 0,008-0,009 
  • Caractère optique : Uniaxe négatif
  • Éclat : Vitreux à la limite du Subadamantin / Brillance : élevée / Dispersion : 0.018
  • Dureté : 9/10 (échelle de Mohs- résistance à la rayure) – +/-2035 (échelle de Vickers – résistance à la pression)

Le saphir en géologie

Le corindon se forme principalement dans la zone de limite entre le manteau et la croute terrestre. La profondeur varie en moyenne entre 20 km et 60 km et atteint parfois même un peu plus de 80 km. Les températures et les indices de pression lors de la formation des corindons sont assez larges et vont en moyenne de +/- de 750° (avec des occurrences à 400-600°) jusqu’à +/- 1100 °C et avec une pression allant de +/- 5 Kilobars jusqu’à 25 Kilobars ; le corindon a son point de fusion à 2050° C. 

Cette pierre se caractérise par une dureté très élevée à 9 sur l’échelle de Mohs : elle est toutefois largement inférieure à celle du diamant (10 sur l’échelle de Mo pour une valeur de plus de 10.000 sur l’échelle de Vickers !) mais équivalente à celle du rubis qui est de la même famille, et est bien supérieure à toutes les autres gemmes employées en joaillerie, dont notamment celle de l’émeraude (dureté 7.5 sur l’échelle de Mohs). 

Le corindon constitue donc une pierre particulièrement résistante. On l’utilise sous sa forme brute naturelle (en qualité industrielle, et non pas en « qualité gemme », réservée pour la joaillerie) et sous ses formes synthétiques dans l’industrie, par exemples pour des verres de montre inrayables, dans l’optique, pour des éléments de lasers, dans les secteurs de l’armée et l’aérospatial, en tant que super abrasif (Émeri et abrasifs high-Tech), etc. Sa résistance mécanique, résistance à l’impact et à la corrosion, stabilité dimensionnelle, durabilité sous des pressions extrêmes et son excellente conductivité thermique, associée à une très haute résistance à la chaleur… en font un matériau de pointe exceptionnel.

Les gisements de saphirs dans le monde

1. Les gisements primaires

  • d’un milieu magmatique (basaltes, souvent de type alcalins) : les cristaux parviennent à la surface par des remontées magmatiques-activités volcaniques. C’est la première source mondiale de saphirs jaunes, verts et particulièrement des saphirs « bleus » en Australie (partie Est), Thaïlande, Laos, Vietnam, Cambodge, Chine, USA (Montana), Ethiopie (exploitations très récentes), Nord Madagascar (partie Est), Kenya, Nigéria, Cameroun…
  • d’un milieu métamorphique (marbre, gneiss, amphibolite, etc.) : ce sont alors les mouvements des plaques qui les ont faits remonter en créant des reliefs par collusion, comme par exemple au Myanmar, Sri Lanka, Cachemire, Madagascar, puis au Pakistan, Afghanistan, Tadjikistan, par exemple.  

Les rubis sont le plus souvent associés aux marbres, tandis que les saphirs le sont davantage au basalte. 

On trouve dans ces gisements primaires des cristaux plus ou moins bien formés.

2. Les gisements secondaires 

  • exploitations éluvionnaires : « placers » ou concentrations des cristaux qui se forment par érosion, sur place, de la roche mère du corindon/du gisement primaire, qui est donc connu.
  • exploitations alluvionnaires : « placers » ou concentrations des cristaux qui sont éloignés après érosion de la roche mère/du gisement primaire par le transport des eaux de rivière.
  • cordons littoraux : dépôts sédimentaires provoqués sur une forme côtière particulière qui apparaît en raison du transport des matériaux effectué par l’action combinée des grands fleuves et rivières et des courants de dérive côtiers. Les origines des corindons trouvés dans ces dépôts peuvent évidemment varier.

Bien qu’appelés « secondaires » pour des raisons géologiques, parce qu’ils proviennent essentiellement de l’altération de gisements primaires, ces gisements secondaires sont certainement les plus exploités et représentent la plus grande partie des pierres offertes sur les marchés de négoce. Les corindons des gisements secondaires sont le plus souvent des « cristaux roulés », arrondis comme des billes plus ou moins régulières, ce qui rajoute une difficulté à leur identification, car on ne voit plus entre autres difficulté, leur forme cristalline originelle.

L’identification de l’origine géologique des gemmes

L’identification de l’origine géologique des gemmes provenant des poches alluvionnaires et de celles des cordons littoraux est par conséquent plus complexe : elles résultent en effet de gisements primaires dégradés variés, mélangés et parfois très éloignés de leur source primaire ; c’est alors au gemmologue de remonter la chaine des indices pour en déterminer l’origine. Il faut pour cela une vaste connaissance des inclusions propres à chaque pierre et chaque pays, ainsi qu’un usage maîtrisé des outils et technologies de gemmologie, entre l’étude des inclusions fluides et solides et celle des propriétés et des chimies spécifiques de chaque gemme. 

L’origine géographique des très beaux saphirs représente en effet un enjeu de poids pour determiner le prix de ces pierres précieuses, car un saphir de Mogok authentifié birman, ou un saphir en “Velvet Blue” authentifié du Cachemire, représentent par leur origine seule (et à cause de leur grande rareté bien-entendu) une véritable “appellation”, un “branding”, une marque de fabrique qui les porte aux nues par la seule évocation de leur pédigrée géographique et peut leur donner une valeur jusqu’à plus de 10 fois supérieur à un saphir +/- équivalent (poids, couleur, saturation, ton, taille, etc.) mais d’origine plus “commune”. 

Les grands gisements de saphirs (donc « bleus »)  

Ils se situent souvent, comme la plupart des corindons, dans des zones tropicales humides et/ou dans des sites d’altitude comme celui du Cachemire dont le gisement principal, les mines de Padder (et le site historique de Sumjam), se situe à plus de 4200 mètres d’altitude ! Parmi les plus réputés figurent donc ce saphir du Cachemire, excessivement rare et au bleu velouté incomparable, puis les saphirs eux-aussi très rares du Myanmar (ex-Birmanie-Région de Mogok), et ceux, superbes, du Sri Lanka (Ratnapura, Rakwana). Pendant des siècles, ces 3 sources ont principalement fourni le marché, relayées par des sites d’exploitations plus ou moins récents tels que le Cambodge (Païlin), le Kenya, la Thaïlande (Chanthaburi / Trat-région de Kanchanaburi), et bien sûr Madagascar qui représente de nos jours un acteur très important de la fourniture de saphirs et saphirs de couleur. 

D’autres pays aux quatre coins du monde (environ une vingtaine en tout) extraient des saphirs comme c’est le cas par exemple de l’Australie qui représente à elle seule environ 50 % en volume de la production mondiale (y compris de la matière à usage industriel) avec une qualité gemme parfois inégale, dont un bleu souvent trop foncé dit « Waterman Color » (par ex. dans le Queenlands), comme l’encre. Toutefois, en Australie (dans les New South Wales par ex.) comme ailleurs, de superbes qualités-gemmes sont présentes, en Tanzanie (Umba, Morogoro par ex.), aux États-Unis (Montana par ex.), au Vietnam (Luc Yen par ex.), au Brésil (Matto Grosso par ex.), en Chine, et de manière plus concentrée en Grèce, en France, et même … en Suisse dans le Tessin (Campolungo).

saphir bleu collier

Traitements, synthèses et imitations du saphir

Il faut savoir que les saphirs et saphirs de couleur subissent dans plus de 90 % des cas un traitement thermique par chauffage simple (ou avec du borax qui permet de « guérir » les fissures et cavités en provoquant une cristallisation naturelle), entre +/-800 et 1800°C, pour améliorer son aspect. Les effets d’une chauffe simple sont bénéfiques à la pierre et permanents. Il existe aussi des chauffes à basse température, parfois sous haute pression.

Cette « chauffe » existe depuis l’antiquité. On la considère comme une pratique traditionnelle dite d’« embellissement » ou d’amélioration, tolérée par tous les marchands (et la CIBJO). Un saphir chauffé, bien que non-considéré comme « traité », vaudra toutefois moins cher qu’un saphir non-chauffé et non-traité (considéré comme naturel, quand aucune modification/intervention n’a été faite sur lui). La mention du chauffage de la pierre est donc pertinente et est indiquée sur les certificats de laboratoire. 

Les corindons traités

Est considéré comme du corindon « traité », et doit donc être impérativement qualifié comme tel par le marchand, tout corindon ayant subi durant le chauffage l’apport d’éléments chimiques extérieurs (Diffusion) comme le Béryllium pour les saphirs jaunes et oranges ou les Titanuium/Chromium pour les saphirs (bleus). De même, l’utilisation de verre, de verre au plomb, de toute résine colorante, d’enrobage ou d’irradiation pour masquer les fissures par remplissage et/ou pour changer la couleur, entrainent l’obligation d’utiliser le terme « traité ». Heureusement, pour beaucoup de saphirs et saphirs de couleur de belle qualité, des rapports de laboratoire sont disponibles, et autrement un gemmologue expérimenté pourra détecter les traitements et vous orienter sur les plus belles pierres et les meilleurs rapports qualité/prix.

Les corindons synthétiques

Il est à noter qu’en plus des traitements thermiques, il existe de nombreuses synthèses du corindon, dans toutes les couleurs, dont les plus anciennes remontent à la toute fin du 19Ième Siècle pour le Procédé Verneuil et aux années autour de 1915 pour le Procédé Czochralski, suivis plus récemment par le Procédé Anhydre et le Procédé Hydrothermal.

Ceci est sans compter les « doublets » et « triplets », un assemblage en « sandwich » de 2 ou 3 pierres transparentes synthétiques, artificielles tels que verres, plastiques, etc., et/ou naturelles, collées ou « soudées » entre elles, dont une est en général colorée, imitant à moindre coûts des gemmes naturelles de valeur ; les premières traces de ces assemblages semblent remonter à l’antiquité et on en trouve des descriptions écrites précises datant du 16ème siècle en Italie ; ils sont devenus très populaires au 19 et 20ème siècle. Il faut donc être très attentif quand on achète des corindons, même anciens… 

Et il va sans dire que la prudence vaut également quand on va en direct sur site dans les mines. De fait, des corindons synthétiques peuvent aussi être « déguisés » en imitant des attributs et l’apparence d’une pierre brute, vraiment comme des corindons bruts naturels ! 

Tout ceci illustre bien l’importance d’avoir des gemmologues et des laboratoires de gemmologie, et surtout des interlocuteurs sérieux, avec une conscience éthique indéfectible et par conséquent un grand souci de transparence. Aucune pierre, soit-elle synthétique, traitée, composite, doublet, artificielle, etc., n’est dérangeante pourvu qu’elle soit présentée pour ce qu’elle est véritablement, et vendue avec le prix qui lui correspond réellement !

Le cas des diamants synthétiques

Le même enjeu s’est retrouvé dans le monde diamantaire avec l’arrivée des diamants synthétiques (« lab-grown diamonds – CVD, HPHT) : la nature synthétique de la pierre (et le prix adapté en conséquence) devait être parfaitement et clairement décrite, ce qui n’a pas été toujours le cas.

Il s’agit en effet de 2 pierres bien distinctes, l’une est synthétique, industrielle, reproductible à l’infini en quelques semaines et pas du tout aussi écologique que le matraquage marketing des fabricants-vendeurs a bien essayé de nous le faire croire (les diamants synthétiques ont en effet une empreinte-carbone 2 fois plus élevée que les naturels !). L’autre est une gemme naturelle rarissime âgée d’en moyenne 1.5 Milliards d’années qui fait vivre des millions de personnes sur la planète et jouit d’un marché hyper régulé. Le synthétique doit alors se vendre, à caractéristiques égales, au moins 10 à 15 fois moins cher que le diamant naturel. 

Or, il y a eu énormément d’abus, notamment du mélange ou « saupoudrage » dans les petites pierres, ce qui est parfaitement inadmissible, et dans les pierres pour solitaires, on a vu par exemple aux USA des diamants « faits par l’homme » (donc synthétiques ou « man made diamonds ») se vendre carrément le même prix ou jusqu’à seulement 30 % moins cher qu’un diamant naturel (toujours à caractéristiques égales bien-entendu). Tout ceci s’est passé il y a quelques années. Les diamantaires s’équipent désormais de machines détectant les synthèses et on connaît les prix réels du synthétique. De plus, la mention de l’origine des pierres est en train d’être systématisée, notamment avec l’arrivée du Blockchain (système de traçabilité depuis la mine jusqu’au produit fini).

La traçabilité des saphirs

Pour les pierres de couleur et notamment les corindons, la tâche est plus ardue. Comme expliqué précédemment, le gemmologue doit parfois se livrer à un travail d’enquêteur pour connaître l’origine naturelle et géographique d’une gemme.

Vous pouvez constater, avec cet exemple du diamant, à quel point la question de la transparence est un enjeu de tout premier plan dans le négoce des gemmes. Cette exigence de transparence doit être présente à tous les niveaux, autant chez les fabricants/grossistes/fournisseurs, que chez les détaillants/bijoutiers/joailliers, et enfin que chez les clients finaux qui ont la légitimité absolue pour demander à avoir par écrit sur leur facture d’achat, le détail précis de l’origine naturelle ou non des gemmes et des éventuels traitements qu’elles ont subis.


Pour aller plus loin

Le saphir dans l’histoire : découvrez l’une des 4 pierres précieuses

Les couleurs du saphir : la grande variété du corindon

Bibliographie 

Ce texte technique a été réalisé par Alexandre MARTIN pour ses parties techniques. Il reprend les connaissances acquises par Alexandre dans sa formation à l’ING, puis en tant que gemmologue/acheteur (avec une forte spécialisation dans le diamant) pour le marché suisse depuis plus de 20 ans. Il résulte également de l’étude et la compilation de nombreux ouvrages et travaux de spécialistes, dont l’incontournable  « Rubis & Saphir, A Gemologist’s Guide de R.W.Hugues » (du Laboratoire « Lotus Gemology» à Bangkok), des articles divers de la revue de l’AFG dont l’article parue sur « le talisman de Charlemagne » écrit entre autres par G.Riondet et Gérard Panczer, des articles et newsletters de laboratoires tels que le GIA – le GRS (notamment leur section  « Contributions to Gemology ») – le Lotus Gemology – le LFG (et sa gemmothèque) – le SSEF avec ses parutions très intéressantes du magazine « Facettes » et ses articles de fond divers – la IGS – les conférences et web conférences de Laurent Massy (avec M.Bouvier) ainsi que le très instructif livret « Rouge Blanc et Bleu » de la World Gem Foundation offert par l’AGAT de Nice – des articles de sites spécialisés tels que gemmo.eu, geology.com, fluomin.org, mindat.org, , minerals.net, sociétéchimiquedefrance, gemmologyproject, gemdat.org, lmhc-gemmology.org – des travaux de J.Deferne et Nora Engel – la documentation de l’IDR dont en particuliers le rapport intitulé « Les gisements de corindon : classification et genèse » écrit par V.Garnier, G.Giuliani, D.Ohnenstetter, D.Scharwz. Puis, Issus des volumes du GIA « Gems & Gemology », différents articles dont le « Geology of Corundum and Emerlad Gem Deposit » de G.Giuliani et L.A.Groat et le  « Geographic Origin Determination of Blue Sapphire », de Aaron C. Palke, Sudarat Saeseaw, Nathan D. Renfro, Ziyin Sun, and Shane F. McClure. Et enfin cet article de Michael. S. Krzemnicki, Laurent E. Cartier, Hao A.O.Wang, Wei Zhou, Pierre Lefèvre, intitulé “Sapphires from a New Deposit at Bemainty near Ambatondrazaka in Madagascar”.

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