Le corindon est un minéral naturellement incolore. En réalité, ce sont des impuretés à base d’oxyde, ou « éléments chromophores » / « éléments de transition », qu’il contient dans son réseau cristallin au niveau atomique, qui induisent ses nombreuses couleurs ; ces éléments en trace viennent se substituer à l’aluminium et affectent l’absorption de la lumière blanche par la matière, d’où en résulte la perception de la couleur par l’œil humain, la couleur dite résiduelle, celle qui est formée par l’unique couleur, ou l’assemblage des couleurs, non absorbé par le cristal.
Ainsi, l’alliance du fer et du titane engendre du bleu ; une teneur en fer avec Titane et Magnésium produit un saphir jaune ou vert ; en présence de chrome, le saphir devient rose (et rouge, c’est alors un Rubis), etc. Il faut également noter que la présence de microscopiques inclusions dans la pierre, comme par exemple des « soies », participe aussi à l’appréhension de la couleur puisqu’elles donnent de la texture à couleur.
La notion primordiale pour considérer la couleur d’un saphir est l’idée qu’il doit avoir une couleur franche : un bleu grisâtre, un jaune verdâtre ou un rose tirant sur le marron seront difficilement valorisables, de même qu’une pierre trop claire ou trop sombre. L’expert-gemmologue Alexandre Martin vous fait découvrir la grande variété des couleurs du saphir.
Comment estimer une pierre de couleur ?
Il faut toujours considérer ces 3 facteurs combinés pour juger d’une pierre de couleur : en tout premier lieu « la saturation » qui détermine la quantité de couleur présente, puis « la teinte » qui détermine la couleur primaire et éventuellement la teinte secondaire, comme par exemple un jaune franc peut aller du jaune légèrement teinté de vert au jaune légèrement teinté d’orange, et enfin la « tonalité » qui détermine le niveau de luminosité de la couleur, on parle alors de « masque » et une pierre peu lumineuse, qui « joue noir » aura alors un « masque trop sombre/noir ». Pour avoir une teinte franche, une pierre de couleur doit avoir au moins 85 % d’une seule couleur bien déterminée.
Les saphirs, des pierres de jour
Les saphirs représentent des pierres de jour : ils sont en effet magnifiés par la lumière du jour (aussi avec les lampes fluorescentes, mais c’est moins courant, à moins d’être en disco), plutôt que par la lumière incandescente.
Bien que ceci est toujours valable pour toutes les gemmes et toutes les couleurs, il est essentiel de rappeler l’importance de la taille (la coupe) pour faire valoir la couleur : choisir des pierres bien proportionnées, avec de la vie et de l’éclat et éviter tous les défauts visibles à l’œil comme cassures, grosses asymétries, rayures, facettes mates/non ou mal polies, etc.
Éviter les « fenêtres » qui créent un trou de couleur. Il s’agit le plus souvent des facettes de la culasse qui sont mal orientées (effet culasse plate ou au contraire trop grosse et un peu arrondie. Celles-ci ne jouent plus leur rôle de faire réfléchir la lumière dans la pierre pour qu’elle ressorte par le haut. On voit alors « à travers » la pierre.
La pureté dans les pierres de couleur n’a pas le même impact que dans le diamant dont un de ses critères primordiaux d’évaluation est basé sur le niveau d’inclusion. En pierres de couleur, les inclusions sont tolérées, voire appréciées tant qu’elles ne gênent pas la couleur ni les jeux principaux de réfraction de lumière dans la pierre. Elles texturent parfois la couleur. Par exemple, les soies dans les saphirs du Cachemire donnent des indications sur l’origine naturelle des gemmes, sur les embellissements/améliorations et traitements effectués. Elles sont parfois tout simplement belles à regarder comme les « jardins » présents dans l’émeraude. A savoir, l’inclusion la plus typique du saphir est l’« aile de papillon ». C’est un peu comme en cuisine, il y aurait un livre à écrire sur la poésie des termes employés en gemmologie.
Il ne faut toutefois pas omettre de préciser qu’une pierre pure aura évidemment toujours plus de valeur qu’une gemme moins pure, tout simplement car elle sera plus rare – en imaginant qu’on comparerait ce qui est comparable, c’est-à-dire 2 pierres identiques avec une pure et l’autre incluse modérément, sans que cela ne gêne la couleur ou la vie de la pierre.
Le pléochroisme, qui est l’absorption différente de la lumière suivant les directions cristallographiques de la pierre, a aussi un rôle car il permet de déterminer pour les saphirs dans quel sens tailler la pierre pour avoir la meilleure couleur : pour un saphir d’un bleu soutenu, on verra (grâce au dichroscope) un axe bleu soutenu (couleur unique – axe optique) et une direction avec 2 couleurs bleu soutenu/bleu vert – vert, il faudra donc tailler la table perpendiculairement à l’axe optique (pas celui qui a les 2 couleurs) pour révéler la meilleure couleur.
Pour finir, la fluorescence d’une pierre peut également impacter la couleur de façon subtile.
Les tons doivent idéalement rester dans la tranche plus ou moins « medium », car un ton trop clair ou trop sombre (qui créera comme un masque) nuira à la couleur ; la tonalité de la pierre est aussi fonction de sa saturation et de son type de couleur.
La large palette de nuances du saphir bleu
Les bleus appréciés évoluent dans la palette du bleu clair (franc et très lumineux) au bleu nuit et au bleu crépusculaire comme le « Twilight Blue », en passant par des bleus veloutés. Il faut éviter les bleus un peu trop pales avec des touches de gris et ceux avec du vert.
Parfois texturés comme du velours, on retrouve dans certains saphirs des bleus appelés « Velvet Blue » : des soies très fines donnent alors une texture soyeuse à la couleur. Les pierres du Cachemire, originellement connues pour cette couleur avec un ton « Medium » et des saturations fortes à vivid (très fortes), représentent certainement les plus demandées mais aussi les plus rares et les plus précieuses, avec celles du Myanmar. D’autres saphirs comme par exemple du Cambodge peuvent présenter cette couleur extraordinaire, ou encore les saphirs du Sud-Est de Madagascar ou de l’Est (exploitation de Bemainty) qui ont ces traits des « Kashmir Sapphires ».
Le Bleu « Cornflower » ou « Bleuet Pur » est à l’image du bleuet qui est une fleur connue pour avoir un bleu véritable, un bleu pur, se rapprochant de ce qu’on appelle le « True Blue ». Elle est la plus recherchée et la plus adulée des couleurs de saphir. On la retrouve par exemple au Cachemire avec un bleu Cornflower texturé par ses soies typiques, ou encore au Sri Lanka (anciennement Ceylan), etc.
La couleur « Cornflower » est présente dans les saphirs sur une palette de tonalités et de saturations variant autour du « medium blue color » , comme la fleur qui va d’un bleu un peu clair mais saturé et lumineux à un bleu plus profond, approchant la gamme des « Royal Blue ».
D’ailleurs, on réservait originellement l’appellation « Royal Blue » aux saphirs de Mogok-Myanmar. Cependant, de nouvelles sources (Madagascar, Tanzanie, Cambodge par ex.) ont montré du bleu royal de très haute tenue. Il a donc fallu tenter de généraliser l’appellation. Deux illustres laboratoires suisses, Gübelin et SSEF, ont essayé de donner une définition en la décrivant comme une pierre non-chauffée, portant une couleur franche et saturée, lumineuse et répartie de façon très homogène, sans aucune teinte secondaire ou alors une très infime touche de violet.
Le « Peacok Blue » comme l’indique son nom est celui qu’on retrouve sur les plumes et le cou du Paon, électrique et spectaculaire (Sri Lanka), tandis que le Bleu Indigo (la teinture naturelle utilisée pour les jeans) a une tonalité profonde mais un niveau de saturation moyen.
Les saphirs de couleur
Pour les autres coloris, on parlera tout simplement de “saphir de couleur” dont voici quelques descriptions :
- le saphir incolore ou « Leucosaphir », le saphir pourpre (rare et beau), le saphir jaune (le jaune canari est recherché) et le saphir orange (attention aux traitements fréquents), le saphir marron dont la couleur la plus appréciée est le jaune-whisky appelée « Mekong Wiskhy » selon le nom du whisky consommé localement en Thaïlande, le saphir vert, les saphirs violets et les saphirs roses (passé un certain niveau de présence de rouge, les saphirs roses entrent dans la catégorie des Rubis). Parmi ces saphirs de couleurs, les roses vifs et les violets vifs (surtout dans des pierres importantes car très rares) sont les plus demandés et estimés.
Nous pouvons aussi prendre plaisir à jouer avec toute la palette des teintes pastelles ou à utiliser les jolies teintes mixtes des saphir verts-bleu un peu changeant, pour composer de délicieuses pièces de joaillerie.
A noter :
- Le prestigieux saphir Padparadscha qui arbore une nuance très rare de rose orangé. Son nom signifie “fleur de lotus” en cinghalais, la langue parlée au Sri Lanka. Sa couleur semble dépeindre un coucher de soleil.
- Les saphirs à changement de couleur : il s’agit de saphirs dont la couleur varie en fonction du type d’éclairage souvent dans ces teintes, en bleu/mauve, vert/rouge, vert/brun. On appelle ce phénomène « métamérisme ». Il est bien connu grâce à l’Alexandrite dont le changement de couleur peut impressionner.
- Le saphir étoilé : taillé en cabochon, il laisse apparaître un phénomène optique intéressant, l’astérisme, une étoile lumineuse à six branches. Cet effet repose sur des inclusions microscopiques dites « aiguilles de rutile » ou « soies » orientées sur trois axes, qui, en se croisant à 120°, réfléchissent la lumière en étoile. Bien sûr, plus la matière est transparente, la couleur saturée, l’étoile centrée et régulière, plus le saphir étoilé est valorisé. Il existe en effet de ces saphirs allant de la transparence à la translucidité jusqu’à l’opacité. On peut aussi trouver, mais beaucoup plus rarement, des saphirs étoilés à 12 branches, un phénomène appelé « diastérisme ».
A.Martin – Mediam Suisse
Mediam Suisse présente ce collier Haute-Joaillerie : pièce unique composée de 3 Saphirs étoilés majeurs, gris, rose et bleu ciel de plus de 10cts, 3cts et 4cts carats chacun, de plus de 3.50 carats de diamants et de saphirs roses et bleus pastels ronds, pour un total de pierres serties de plus de 22 carats sur 23 grammes d’or blanc 750. Fabrication à la main, 100% Suisse. Prix sur demande.
N’hésitez pas à faire appel à MEDIAM SUISSE pour vous proposer les plus beaux saphirs. Nos artisans-joailliers suisses créent à la main des bijoux sur-mesure, avec les pierres précieuses ou fines de votre choix. Notre sertissage, notamment pour les pavages, s’effectue au microscope, dans les standards de qualité de la haute horlogerie.
Pour aller plus loin
Le saphir dans l’histoire : découvrez l’une des 4 pierres précieuses
Le saphir : fiche technique, géologie et considérations gemmologiques
Bibliographie
Ce texte technique a été réalisé par Alexandre MARTIN pour ses parties techniques. Il reprend les connaissances acquises par Alexandre dans sa formation à l’ING, puis en tant que gemmologue/acheteur (avec une forte spécialisation dans le diamant) pour le marché suisse depuis plus de 20 ans ; il résulte également de l’étude et la compilation de nombreux ouvrages et travaux de spécialistes, dont l’incontournable « Rubis & Saphir, A Gemologist’s Guide de R.W.Hugues » (du Laboratoire « Lotus Gemology» à Bangkok), des articles divers de la revue de l’AFG dont l’article parue sur « le talisman de Charlemagne » écrit entre autres par G.Riondet et Gérard Panczer, des articles et news letters de laboratoires tels que le GIA – le GRS (notamment leur section « Contributions to Gemology ») – le Lotus Gemology – le LFG (et sa gemmothèque) – le SSEF avec ses parutions très intéressantes du magazine « Facettes » et ses articles de fond divers – la IGS – les conférences et web conférences de Laurent Massy (avec M.Bouvier) ainsi que le très instructif livret « Rouge Blanc et Bleu » de la World Gem Foundation offert par l’AGAT de Nice – des articles de sites spécialisés tels que gemmo.eu, geology.com, fluomin.org, mindat.org, , minerals.net, sociétéchimiquedefrance, gemmologyproject, gemdat.org, lmhc-gemmology.org – des travaux de J.Deferne et Nora Engel – la documentation de l’IDR dont en particuliers le rapport intitulé « Les gisements de corindon : classification et genèse » écrit par V.Garnier, G.Giuliani, D.Ohnenstetter, D.Scharwz. Puis, Issus des volumes du GIA « Gems & Gemology », différents articles dont le « Geology of Corundum and Emerlad Gem Deposit » de G.Giuliani et L.A.Groat et le « Geographic Origin Determination of Blue Sapphire », de Aaron C. Palke, Sudarat Saeseaw, Nathan D. Renfro, Ziyin Sun, and Shane F. McClure. Et enfin cet article de Michael. S. Krzemnicki, Laurent E. Cartier, Hao A.O.Wang, Wei Zhou, Pierre Lefèvre, intitulé “Sapphires from a New Deposit at Bemainty near Ambatondrazaka in Madagascar”.